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« Tunisiens avant d'être Arabes »

(Source : « Le Temps » (Quotidien – Tunis), le 18 septembre 2008)


« Tunisiens avant d'être Arabes »

Fadi Ayech

Tunisien, citoyen du monde

Professeur universitaire

« Je suis un très fidèle lecteur de votre journal que je considère indispensable dans un environnement où le débat est presque inexistant.

Je désire m'exprimer sur un sujet qui me tient à cœur : l'identité et la culture tunisienne.

Je pense que nos médias ainsi que la société civile et nos institutions éducatives ne font presque rien pour combattre la haine et l'agressivité envers « l'autre » et surtout envers l'occident. L'approche manichéenne du « nous » contre « eux » me paraît très dangereuse. Je fais partie de cette minorité qui se définit comme « citoyens du monde » et je rejette toute forme de racisme et de haine.

Je pense que la Tunisie a toujours été un pays unique et exceptionnel qui a sa propre culture qui n'a rien à voir avec la culture arabe, et ceci pour plusieurs raisons historiques et socioculturelles :

-les Arabes qui sont arrivés ici au 8e siècle n'étaient que des envahisseurs parmi d'autres. Avant eux il y avait les Phéniciens, les Romains, les Vandales et les Byzantins et après les Arabes on a reçu les Espagnols, les Turcs, les Français ainsi que les immigrés Italiens. Toutes ces races et ces cultures se sont mélangées à celles des berbères pour nous offrir la riche et complexe culture tunisienne d'aujourd'hui. D'ailleurs le Tunisien moderne parle plutôt le tunisien qui est un mélange d'Arabe, de Berbère, de Turc, d'Espagnol, d'Italien, et de Français plutôt que l'Arabe.

-Avec la naissance de la Tunisie moderne en 1957, l'élite politique, sous le leadership du grand et unique Bourguiba, a insisté sur la « tunisienneté » du pays et a clairement rejeté « l'arabisation » du pays.

-Etant un pays touristique depuis les années 1960, notre culture a ouvert ses bras à la culture de nos visiteurs pour gagner en ouverture et en richesse.

Malheureusement depuis la prolifération des chaînes satellitaires, on n'arrête plus cette vague d'arabisation du pays. Ici j'ai deux observations très sérieuses : La culture dite arabe est plutôt, au moins de nos jours, une culture de haine de l'autre, d'hypocrisie, de chaos, de corruption, de frustration, de paresse, de désordre, d'extrême religiosité... (Personnellement je regrette la période où la majorité des jeunes et moins jeunes regardait France 2 et Rai 1 ce qui nous exposait à une culture de débat démocratique et à un monde de vrai civisme).

On n'arrête pas de critiquer les jeunes d'aujourd'hui, mais le comportement de nos enfants (violence verbale, impolitesse, manque de civisme, abus, paresse, frustration, immaturité, manque de valeurs morales, manque de patriotisme et de fierté...) ne sont que le produit naturel des différentes composantes de notre société (famille, école, médias, société civile).

Alors sauvons notre identité et notre culture avant que ce ne soit trop tard. Apprenons à nos enfants les vraies valeurs universelles de tolérance, d'amour de travail, de civisme, de patriotisme, d'ouverture, de respect... »

2- Les réactions des internautes sur le site du journal « Le Temps »

ADN

2008-09-12 15:32:32

Je tiens cher monsieur à confirmer vos idées, en fait je me demande comment la Tunisie peut être arabe , je pense que nous faisons un amalgame entre religion et nationalisme alors que d’autre nations islamiques tel que le Pakistan, l’Iran, l’Indonésie et la Malaisie ne se prétendent jamais arabes mais au contraire ils tiennent à leur propre culture et identité nationale. Je crois que l’idée du culture arabe en Tunisie, est une illusion qu’on reçu depuis notre enfance alimentée par des medias tunisiens influencés par les grands courants politiques de l’époque et actuellement par les chaînes TV arabes. Mais il suffit de partir dans un vrai pays arabes pour comprendre qu’on n’est que Tunisiens et qu’on est fière de l’être, en effet je vie depuis quelque mois dans un pays arabe et je travaille avec des collègues de plusieurs pays arabes, je suis le seul à me sentir dépayser. Je me retrouve dans une culture qui m’est très étrange, une culture de fermeture, de haine , d’hypocrisie, de sexisme, d’ignorance, et de malhonnêteté cachée derrière une hystérie religieuse. Alors que j’appartiens à une culture d’ouverture, d’amour, de connaissance, de respect, d’égalité entre homme et femme et avec une religion de tolérance et de modération.

tufik

Tunisien

2008-09-12 17:13:30

Merci Mr Ayech, vous avez eu le courage de dire en clair ce que beaucoup chuchotent en cachette. Je me considère aussi citoyen du monde de part mon expérience internationale diversifiée et longue et de part mes convictions, mais je ne partage pas totalement votre point de vue car je suis ce berbère, je le resterai moi et mes descendants sauf que je suis un Berbaro-Arabe bon gré mal gré puisque les arabes en colonisant la Tunisie, ils ont modifie même nos codes génétiques ce qui explique cette agressivité camouflée en nous et cette haine de l’autre. Moi, j’appellerai nos « cultivés » qui fabriquent 1000 théories par jours et se les enterrent dans les bars de l’Avenue ou les mosquées du coin, de s’impliquer objectivement et que le pouvoir public s’ouvre les yeux et lance une étude sociologique basée sur des questions scientifiques qui aboutira par étudier le gène Tunisien en le rapprochant avec les autres, étude qui s’intéressera aussi au comportement de l’individu et du groupe pour en déterminer les frontières et les remèdes.

dr Sobhy Houissa

Yerham Oualdik

2008-09-12 13:25:23

Mile milliards de merci pour ce que vous avez écrit!

Par la suite un Dr traite cet article de choquant et répond ici

Mr Fedi rétorque :


« Tunisiens avant d'être Arabes : Le débat continue... »

« Je remercie vivement « Le Temps » de m'avoir offert l'opportunité de débattre en public un sujet aussi sensible qui concerne notre identité et l'avenir de notre société. « Le Temps », ainsi que le magazine « l'Expression », devraient être perçues comme des modèles d'ouverture et d'honnêteté intellectuelle.

Je voudrais réagir au courrier de M. Naoufel Ben Rayana qui n'a fait que reproduire des arguments populistes et un peu trop simplistes, à mon humble avis. Je suis moi-même docteur en Sciences Politiques et je ne peux qu'accepter toute forme de critique. Je demande juste à M. Rayana et à tout autre intellectuel qui désire prendre part à un débat élitiste d'exprimer son désaccord en évitant les concepts irrespectueux et choquants (« venin », « mensonge »...). En plus, comparer un intellectuel tunisien modéré à des intellectuels occidentaux défenseurs de la théorie du « Clash des Civilisations » (Houelbecque, Bernard Lewis, Oriana Fallacci) me paraît trop agressif. En fait, ce genre d'analyse agressive et simpliste confirme l'environnement de haine et de rejet de l'autre caractérisant l'arène internationale actuelle.

Je suis d'accord avec M. Rayana quand il dit que « Les vraies raisons des maux de la société tunisienne sont à rechercher ailleurs : démission de la famille, laxisme dans l'application des lois (sur la route, dans les stades, dans les affaires de construction anarchique, etc.), dans le rôle à jouer par le système éducatif qui n'éduque plus, dans nos médias tunisiens ». D'ailleurs dire que « [je] fais fausse route en imputant notre problème quotidien à cette culture arabe » me paraît le produit d'une lecture volontairement fausse de mon analyse.

L'idée que j'essaye, ainsi que des milliers d'intellectuels tunisiens, de défendre est tout simplement la suivante : protégeons notre identité, notre culture, notre société, notre avenir, notre « exceptionnalité » avant que ça ne soit trop tard. Soyons, nous Tunisiens, vigilants face à cette vaste campagne de haine, d'extrême religiosité, de nationalisme agressif, de tabous, de médiocrité, de conservatisme, de traditionalisme, et d'hypocrisie qui domine l'environnement arabe actuel. Soyons fidèles à nos traditionnelles valeurs de pragmatisme, de tolérance, d'ouverture, de laïcité, de modernité... Trouvons notre place dans cette Mondialisation qui bouge un peu trop vite. Occupons nous des débats de l'avenir et non des règles du 6ème et 7ème siècle...
Le débat continue ... dans le respect mutuel.

« Je ne suis pas d'accord avec un mot de ce que vous dites, mais je me battrai jusqu'à la mort pour votre droit de le dire. » Voltaire »


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